NEPAL

Sanctuaire de l'Himalaya

  Le Népal était chargé des rêves de l'Himalaya, de ses espaces sauvages, de la pureté du décors. Pourtant venant de l'Asie centrale, les espaces sauvages sont loin et proches à la fois. Ils semblent si distants de Kathmandu, de l'animation de la ville bourdonnante, si distants le long de ces chemins qui nous emportent toujours plus haut le long des villages, pour finalement atteindre la puissance de ces sommets une dizaine de jours de marche après. Et pourtant la dureté des paysages est si proche, si ancrée dans la vie de tous les jours, si prenante jusque dans nos corps. Le froid, la fumée, les courants d'air, l'eau glaciale... Dormant dans des loges, nous sommes invités mais jamais nous ne sentons à la maison, nous sommes en pleine nature mais jamais bercé par ses odeurs. Nous y sommes plongés puis juste sortis pourtant sans que le confort viennent apaiser sa force. A l'image de la rivière tumultueuse que nous longeons, splendide la journée, pourtant sa complainte devient par moment si puissante que la nuit, elle semble nous drainer de notre énergie. Foulant une terre continuellement empruntée par des personnes de tout horizon, le contact avec la population devient distant. Il est chaleureux, au combien souriant et sympathique à tout instant, pourtant il s'efface derrière les clichés et les étiquettes, derrière les envies et les incompréhensions, derrière les émotions compatissantes et derrières les images créées par des transpositions de l'expérience de chacun. Peut être imprégné derrière une vie culturelle marquée par un système de caste qui édicte les codes de conduites. Et ces représentations ne permettent finalement pas de trouver la troisième voie, la voie qui permet à chacun de se rencontrer en tant qu'être humain vivant des réalités différentes, finalement n'entendant que la confirmation des certitudes. Nous partageons sans partage pourtant le long du chemin, c'est finalement là, lors de fugaces moments que éphémères, subtiles, dépouillés, silencieux, la rencontre a réellement lieu.

Les yeux pétillants, le regard profond, simplement dans la plus grand humilité. C'est lorsque le rire avec les enfants emporte leur frimousse dans l'univers du jeu, que le mendiant en eux s'efface. C'est lorsqu'avec respect le namaste aux mains jointes est prononcé, que la grâce du respect est donnée en retour.

Le Népal est pour nous le contraste d'un rythme qui nous a emporté jusqu'ici. Nous foulons désormais la terre de notre pas, d'un souffle nouveau, nous emmenant au coeur de l'Himalaya. Pourtant les vibrations de ces sommets sont si puissantes qu'elles nous confrontent à nouveau face à nos limitations, face à nos croyances, face à nos émotions, face à nos peurs. Le chemin est si long, toujours rempli de son inconnu, il devient indispensable, incontournable de laisser le futur s'animer de lui-même, de le laisser se rêver, de vivre la magie de l'instant, la dureté du moment, la joie de l'émerveillement, les larmes de la purification. Une purification qui devient inéluctable, tôt ou tard, l'énergie est trop présente, trop puissante, trop vibrante. Mais la libération est douce, elle emporte les combats intérieurs, elle est la justesse de l'être. Les regards des enfants aux joues noircies semblent ainsi raconter l'histoire de leur vie, de leur expérience, de leur vérité. Dans la simplicité de leur vie, dans la pureté de leur être. Puis le regard commence à contempler les hautes cimes, si haute au-dessus de nous. L'altitude emmène l'esprit dans les hauteurs éthérées, là où les pensées s'arrêtent, s'épuisent. Ne reste plus que le silence vibrant et le souffle du vent. Il ne reste plus que le pas, un pas lent rythmé par le souffle. Un souffle qui devient de plus en plus court et qui demande la focalisation de l'attention. La respiration reprend son importance, elle devient à nouveau la source de vie. L'esprit est clair, limpide, aucun nuage ne vient bousculer le bleu rayonnant de son ciel.

Puis c'est la rencontre avec les sommets, avec leurs visages, avec leur énigmes, avec leur messages. L'Everest, le Cho Yo, le Makalu, le Manaslu, l'Ama Dablam, le Pumori, chacun dévoile sa personnalité, sa puissance, sa douceur, son énergie. Au coeur des somptueux panorama, dans le sanctuaire de l'Himalaya, seule la contemplation peut apprécier la grandeur du spectacle, dans le silence de l'unité.

Du silence des neiges immaculées, nous pénétrons à nouveau dans l'atmosphère animée, bruyante, vivante des villages et des villes, pour se retrouver face au sacré dans le quotidien. Le sacré incarné par les deux religions principales, qui embaument l'espace de leur rituel.

Les drapeaux de prière, les stupa, la douceur et compassion de bouddha, la médecine tibétaine et les vibrations des bols chantants, les mantras qui résonnent dans les Gompa, les moulins de prières, la puissante odeur d'encens, de l'énergie spirituelle de Bodhnath. Imbriqué dans les mêmes espaces, c'est l'Hindouisme et son rouge lumineux qui imprègne d'une forte énergie le sacré. C'est Pashupatina, le centre spirituelle de l’Hindouisme qui rayonne de son puissant lien à Shiva, de son taureaux en or, des traditions séculaires de la crémation où les cendres sont déposés dans la rivière qui conduira au Gange, le chemin de l'au-delà. C'est le cycle des réincarnations et le jeu social des castes, c'est les 30 millions de Dieux à prier. C'est la création de Brama, la protection de la vie de Vinshnu et la destruction de Shiva. C'est les sacrifices de sang à Kali. C'est les pujas, offrandes du matin, les cérémonies et les festivals qui rythment l'automne. C'est le tika rouge du troisième oeil et la médecine Ayurvédique. C'est les temples disséminés dans chaque petite ruelle. Finalement, le sacré s'étend dans le parfum épicé des thés au lait sucré et dans l'incontournable Dal Baht, le plat principal à base de riz et de lentilles. Le sacré c'est la danse tourbillonnante des couleur des saris et des odeurs imprégnants tous les espaces, c'est le contraste de la pureté des hautes cimes dans la grandeur des immensités et du mouvement perpétuel dans les allées de pénombre.