
 
IRAN
L’Iran nous a fait revoir toutes les images que l’on avait construites de ce pays. Notre connaissance du monde Musulman par la Turquie et la Syrie, nos rêves de chaleur, notre sympathie pour la condition féminine, nos comportements adaptés aux souvenirs laissés par les pays que nous avons traversés. C’est un peu comme si nous devions faire une mise à zéro des moindres attentes que nous avons encore, et de celles qui nous étaient presque dues durant les derniers mois. Les plus petites sont déçues, même celles qui se faufilent à notre insu pour nous apprendre et réapprendre à vivre l’instant présent. Les extrêmes de la dualité nous confrontent à nous-mêmes, pour chercher une fois encore un point d’équilibre.
L’Iran c’est vaste et gigantesque à la fois. A notre arrivée à Sero, nous passons des vallées encaissées du Kurdistan à de vastes chaines de montagnes. Les vallées deviennent des plaines qui s’étendent à perte de vue, limitées par d’imposants sommets qui dansent avec les aigles. Les montagnes à plus de 4’000m se suivent jusqu’à Téhéran où la cime culminante de ce territoire domine, le Mont Damavand à 5’671m d’altitude.
Vaste… Puissant, nous avons le sentiment de prendre des nouveaux repères, de dissiper notre énergie dans ces magnifiques paysages. Vaste c’est aussi le lac salé d’Orumiyeh qui s’étend au-delà de ses berges recouvertes des formations cristallines de sel aux terres humides et marécageuses.
Puissant et glacial… Trop heureux d’avoir franchi les cols Kurdes, nous entrons dans un pays de montagne où l’altitude ne descendra jamais au-dessous de 1’000m, le long de notre chemin. Des chaleurs espérées, nous avons eu de la neige en abondance, et encore aujourd’hui le 15 mars il neige… Les passages à plus de 2'000 m se feront les pieds dans la neige, si ce n’est par forte tempête. Un vent puissant et glacial nous accompagne, enfin il nous confronte quasiment quotidiennement. Faisant chuter la température, nous passerons notre nuit la plus froide par -10°C. A la limite de notre matériel, nous dormirons peu et il est fort probable que notre lavande ait définitivement gelé.
Grand… Grand comme ces bazars. Plus de cinquante pourcent du commerce national se passent dans les bazars, tel que celui de Tabriz qui s’étend sur plus de sept kilomètres carré. Gigantesque, il met en évidence tout le travail créatif des artisans. Il est fait d’allées insoupçonnées, des cours intérieurs d’anciens caravansérails et de petits sous-sols où les hommes boivent le thé et fument le narguilé.
Gigantesque c’est aussi la grandeur de sa capitale, Téhéran, avec une population de 15 millions d’habitants. Les démarches administratives pour les visas de la suite du périple, nous pousseront à réaliser de manière tangible les distances qui séparent les divers quartiers,… des heures de voiture.
Grand comme la fierté de son peuple, puisé dans l’histoire de cette civilisation. Pourtant nos rencontres ont révélés la générosité comme la malveillance, parfois nous poussant à nos limites. Intrigués par cette mise en scène raffinée des codes sociaux, nous sommes toujours et encore interloqués par des conventions enracinées qui font partie d’un rituel quotidien. Les bonjours à rallonge, les multiples accolades et les questions sur la famille coexistent avec les échanges sur un ton sec et froid. Au fur et à mesure que nous pénétrons dans cet univers, nos expériences divergent, de la joie du cadeau d’une boîte de douceurs Iraniennes, à notre sentiment de rejet lorsque l’on nous interdira de planter notre tente au abord d’un village, alors que gelés nous claquions des dents dans une tempête de neige. De l’accueil dans la petite maison d’une famille Turkmène à dormir ensemble dans l’unique pièce à vivre, à la situation délicate où un jeune homme a tenté de toucher Céline.
Et parfois dur… à l’image des codes sociaux régis par une société où la loi islamique est imposée depuis la révolution de 1979. Où les femmes doivent, sous peine d’emprisonnement porter un voile et des habits leur cachant les formes, officiellement le hejab. En pensées pour toutes ces femmes, Céline sera pourtant stupéfaite, en se promenant seule dans les rues de Qazvin, de ressentir la pression sociale de certaines femmes qui semblent pour finir légitimer ce système, voire le maintenir par leur attitude. Cette situation crée aussi un environnement particulier où l’énergie sexuelle semble se propager dans les rues de la ville, dans les regards certains hommes, dictés par ce que l’on perçoit comme des pulsions bridées. Ce système mis en place est parfois contesté, parfois adulé mais une grande fierté se lit sur les visages. Pourtant se plaçant hors de l’ordre mondialement établi pour la suprématie Américaine, l’Iran subit une inflation de près de 20% qui modifie chaque six mois les prix et nous impose de poursuivre notre route avec l’argent liquide pour les prochains mois.
Dans ce contexte, chaque rencontre prend le temps de se découvrir pour certaines fois se révéler et s’ouvrir sur une relation chaleureuse qui nous apprend toujours plus sur ce pays contrasté à nos yeux.
Vision contrastée, pays énigmatique, expériences balayant le spectre des émotions, le temps nous ouvrira peut-être le cœur vibrant de cet Iran.