
Tant de décors
Tant de décors, tant d'émotions, tant d'impressions, tant de ressentis, nous roulons beaucoup. Nous roulons dans des paysages qui ne cessent de changer. Nous passons d'un monde à l'autre dans le gigantesque territoire de l'Empire du Milieu. Nous passons de la densité humaine d'un univers de béton au milieu de métropoles de plus de 6 millions d'habitants, au puissant silence des déserts de sable et de terre, nous passons des champs de rizières infiniment verts accueillis par le regard songeur des buffles, aux vastes étendues arides de pierres blanches à plus de 3'000m d'altitude, nous passons des paysages d'une infini platitude aux sommets dominants dans l'air éthéré de la haute altitude, nous passons dans le monde des yaks caressant les 4'000m au territoire des chameaux entouré d'un canyon de dunes de sables aux milles soleils, nous parcourons les paysages multicolores des champs en terrasse illuminés par l'esprit joueur des ânes puis pénétrons dans l'univers tibétain, sur ces éternels plateaux où les drapeaux de prières flottent au vent.
Nous passons dans le monde confucianiste, taoïste, bouddhiste et enfin musulman. Nous dégustons les saveurs chinoises aux milles nuances, la viande de yak séchée tibétaine, les brochettes de chachliks ouïgours. Nous nous faisons escortés sur plus de 140 km par des groupes de cyclistes chinois qui se relayent et qui nous offrent à chaque pause des repas d'honneur. Nous découvrons le monde des expatriés dans la ville de Xi'an. A chaque fois, nous ouvrant la porte sur une autre facette de ce monde fascinant qu'est la Chine.
La Chine nous aura contraints, séduits, poussés dans nos limites, inspirés, aliénés... Mais la magie de cette Terre c'est le réconfort et la sympathie de sa population à chaque fois présente juste au bon moment, juste avant la rupture, simple, précieuse, détachée, apaisante.
Cependant, une autre facette de la Chine nous a rattrapés, nous nous trouvons dans une région interdite aux étrangers, et sommes gentiment escortés hors des villes interdites. Jetés dans un monde hostile, un monde aride, désertique à plus de 3'000 mètres d'altitude. Pourtant, nous nous sentons en paix. Nous avons finalement retrouvé nos espaces vierges, nos espaces sauvages, là où instantanément l'âme est en paix, dans le silence profond qui sublime la magie de la Terre. Là où l'esprit revient à l'essentiel, à notre être de chair. Au milieu de rien, nous saisissons la puissance infinie de notre intuition. Pourtant la subtilité de ces paysages se dévoilent aussi dans la dureté de leur environnement. Ils sont hostiles, brûlants du rayonnement solaire, vides. Il nous aura fallu se couvrir le visage pour stopper le soleil d'ouvrir nos lèvres, il aura fallu se battre pour ne pas être dévorés vivants par les nuages de moustiques, il aura fallu transporter beaucoup de nourriture et d'eau, il aura fallu être infiniment patient avec le vent, dans un monde où les distances sont inimaginables, comme dilatées, là où les plateaux rejoignent les sommets culminants 3'000m au-dessus de nous, dans l'air éthéré des neiges éternelles.