
 
Juillet - Oct, 2024
Temps de lecture: 15 minutes
Japon 204
Une vie de contraste et d'Aventure
Juillet à Octobre
La puissance de la terre
Nous plongeons au cœur de la Terre de feu qu’est l’archipel nippon. Ici, nous touchons aux puissantes énergies d’une nature dont la voie se fait de plus en plus entendre. Nous avons été confrontés à ses éléments d’une manière dont nous n’aurions pas pu imaginer, révélant à la fois sa puissance de guérison et sa puissance de destruction, dévoilant en nous des peurs viscérales ainsi que des moments intenses de pures magies. L’aventure était au cœur de cette chevauchée sur les terres nippones, tout autant que les rencontres, agencées comme des clins d’œil à une humanité en recherche de sens.
Celle-ci comme la Terre nous a mis face à nos plus grandes colères comme à la gratitude la plus profonde d’un accueil inconditionnel. Cette année a été un plongeon au cœur des contrastes, d’un positionnement qui cherchait à nourrir l’harmonie et la confiance dans le chaos de la confusion, pour ensuite s’ouvrir à la grâce que l’inconnu peut faire naître.
Kyushu
Les îles Iki ont été une découverte. Dans ces petits villages de pêcheurs, les habitants, grands sourires, nous faisaient des signes, comme s’ils voulaient partager un peu de leur joie de vivre. Ce lieu est incroyablement vivant et certains disent que le shintoïsme y est né. La mer nous appelle. Nous nous baignons dans cette eau incroyablement claire. Nous profitons de sa fraîcheur et de ce contact avec les énergies de l’océan. Nous nous laissons flotter, les quatre ensembles comme une étoile dans l’immensité bleue, en nous laissant porter par l’eau et par la confiance en la Vie.
Après avoir rejoint l’île principale de Kyushu par bateau, nous roulons d’île en île dans la préfecture de Nagasaki. Et bien que les paysages soient fascinants et l’océan limpide, nous plongeons dans les fortes énergies de la Tsyusu, la saison des pluies. L’humidité devient intenable alors que les moustiques s’en donnent à cœur joie. Et pourtant, nous ne savons pas encore ce qui nous attend.
La Saison des pluies
Sur la péninsule de Shimbara, une petite route longe la côte accidentée de Nagasaki. Nous y découvrons un lieu isolé sous quelques pins. Nous décidons de monter le camp dans cet endroit paisible.
À 4 heures du matin, alors que les premières lueurs du jour ont repoussé la pénombre, des éclairs semblent danser dans le ciel, tellement ils sont nombreux. Un gigantesque front noir arrive droit sur nous depuis la mer. Le vent devient hurlant et les grosses vagues portées par les puissants courants s’écrasent contre les roches dans un bruit infernal. Le tonnerre se joint au spectacle avec fracas. Les filles tremblent contre moi. La nature nous fait une démonstration de sa puissance. Nous sommes en plus au pied du volcan Unzen, tristement célèbre pour ses désastres et pour avoir laissé des cicatrices tant dans le paysage que dans la vie des habitants.
Puis soudain, l’impact est à 3 secondes. Une minute plus tard, l’impact est instantané ! La foudre et le tonnerre ! Nous sommes sous le choc, mais... vivants !
Dans le chaos, nous étions solides, nos sens alertes, rassurants pour Nayla et Fibie. Pourtant, quelques heures plus tard, lorsque tout ce calme, nos esprits s’alertent. Au lieu de bénir ce moment, je n’arrive pas à m’apaiser, d’autant qu’une semaine de terreur nous attend. Chaque nuit de puissants fronts orageux balayent la terre, orage, alerte inondations, glissements de terrain, tornade. Chaque jour, nous sommes détrempés. Impossible de sécher nos affaires alors que nous essayons de monter la tente hors des gigantesques flaques du terrain détrempé qui n’arrive plus à tout absorber. Fibie et Nayla sont incroyables. Jamais elles ne se sont plaintes de reprendre la route sous la pluie, jamais leur optimiste n’a été entaché. J’entends encore Fibie : « ben au moins, on n’a pas besoin de prendre une douche ce soir ! » Je suis empreinte de gratitude pour leur capacité de résilience, pour leur courage et leur grande force. Il en faut du tempérament pour accepter de se faire rincer jour après jour dans un temps tumultueux. Pourtant, j’ai la sensation intense de rouler au cœur du chaos, dans un monde où le temps se déchaîne. Nous nous sentons tout petits sur nos vélos et dans notre tente.
La peur qui me tient aux tripes n’a rien à voir avec un monde imaginaire, je vis la fureur du ciel. Je ressens cet appel de la Terre, sans équivoque. Je ressens que l’humanité à un choix à faire, celui de notre futur. Pourtant, j’ai confiance. Les 400 dauphins sauvages qui se trouve entre la péninsule de Shimbara et l’île d’Amakusa me relie à cette certitude.
Une longue Ascension
Nous poursuivons au cœur des montagnes. Un glissement de terrain nous barre la route, nous sommes alors accueillis par Tomiyama San dans sa petite maison. Un homme de 80 ans dont la rencontre ne devait pas être un hasard. Fibie lui a d’ailleurs envoyé une lettre et un dessin de remerciement pour sa profonde humanité. Puis nous poursuivons durant 2 jours de montées pour rejoindre les plateaux d’Ebino. 5 km à 10 %... les muscles souffrent, mais c’est surtout l’esprit qui craque ! Il aura fallu que les larmes coulent pour que finalement la montée se poursuive non plus dans la lutte, mais dans une lenteur résiliente du chemin.
Nous arrivons finalement face aux somptueux volcans de Kirishima. Les cratères se dévoilent, certains fumants et brûlants. Nous sommes sur une arrête et un immense vide atteint le lac qui s’est formé dans une des caldeiras. Nous sommes émerveillés par la beauté qui se dévoile face à nous et pourtant nous ressentons la puissance des volcans, de ces incroyables montagnes qui nous relient au magma de la terre. Leur énergie de feu est déstabilisante. Nous sommes tous plus susceptibles et guerriers, ouvrant par moment les blessures de nos terres intérieures. En ayant conscience, nous essayons d’apaiser par la douceur lorsque la puissance des volcans se déverse dans notre être. Pourtant, nous sentons que l’approche de ces montagnes sacrées sont de véritables passages, des enseignements pour notre être dont nous n’avons que partiellement conscience, mais dont la puissance ne saurait être évincée.
Plusieurs chutes d’eau gonflées par les pluies abondantes des derniers temps nous guident dans la descente jusqu’à la baie Kagoshima. Là, les dauphins nous accueillent alors qu’en arrière-plan le puissant Sakurajima se dessine, un des volcans les plus actifs au Japon. Soudain, une éruption projette des panaches. Nous sommes les témoins d’un important nuage de cendres.
Ce soir après les lueurs du crépuscule, une somptueuse pleine lune se lève au-dessus des flots. Les énergies du moment reliées à la vibrance de Sakurajima sont vraiment puissantes. Nous nous sentons au cœur d’un vortex. À la fois portés, à la fois chahuté. Heureusement, la baie de son bleu indigo apporte un effet d’apaisement, comme si l’eau pouvait bercer le feu du volcan.