
 
L'eau nous à guidé
L’eau, c’est elle qui nous a guidés tout le long de cette année 2021, comme si nous étions appelés à être à ses côtés. Elle était présente pour nous emmener dans la fluidité, pour nous accompagner, certainement pour purifier les émotions que les changements au niveau mondial font naître. Être aligné dans sa justesse devient un délicat équilibre. Pourtant l’eau était là, présente. Parfois elle devenait miroir de nos états intérieurs, nous poussant à la transformation. Parfois, elle était reflet de la peur, comme si l’inconscient collectif prenait forme, comme s’il devenait visible, tangible. Parfois l’eau purifiait nos cœurs, nos êtres, pour une fois encore, nous faire vivre le moment présent, nous emmenant dans la joie et l’émerveillement à poursuivre cette vie d’exploration. L’eau était cette sensation de gratitude à la rencontre des mammifères marins et des baleines. Elle était ce sentiment de liberté qui nous a guidés du Lac Saint-Jean, au Saguenay, au fleuve Saint-Laurent, a la Matapédia, au Golf, a la baie des Chaleurs, à la baie de Fundy, pour finalement rejoindre l’Atlantique.
Nous voilà en Nouvelle-Écosse. Les places de jeux ont disparu d’un coup, les enfants aussi. Nous sommes intrigués, nous rencontrons la population retraitée qui vient vivre dans cette province, comme un refuge dans un lieu où l’on peut respirer, par la grandeur des terres et de l’espace, par la nature vivifiante, par la cadence beaucoup plus lent et détendu. Tout se déroule à un autre rythme, dans une volonté de retourner au tempo de la terre. Magique, puissant et pas toujours facile ici les nappes phréatiques sont chargées en métaux lourds, qui rend par moment l’eau impropre à la consommation. Cette eau, toujours l’eau, on ne cesse de revenir comme un mantra, comme le va-et-vient des marées dans la baie de Fundy. Les plus grandes marées au monde qui atteignent une moyenne près de 17 mètres et le record lors d’une tempête en octobre 1869 de 21,6 m. Pour les peuples autochtones Micmaque, un castor a creusé les bras de la baie de Fundy alors qu’une baleine géante engendre les gigantesques marées. Nous campons sur ces rives. Nous sommes alors les témoins des mascarets, l’onde de la montée des eaux, mais aussi les témoins de la rapidité à laquelle l’eau se retire. Un spectacle saisissant allié au coucher du soleil qui se reflète dans ses eaux mouvantes. Nous sommes stupéfaits, toujours émus par la somptuosité de la nature qui nous entoure.
Les paysages de la Nouvelle-Écosse sont composés par des collines entremêlées et des vallées que les rivières ont formées. Par moment, les montées abruptes nous imposent un rythme soutenu et c’est épuisé que finalement nous rencontrons Julie et sa fille Sky Luna. Une pause nécessaire à nos muscles qui hurlent de fatigue, une rencontre pétillante et enjouée, la découverte du parc national de Kejimkujik et de ses arbres centenaires, des pruches du canada, qui crée un sous-bois humide et froid tapissé de mousse, de lichen, de fougères, de champigons, et parfois d’orchidées. Nous avons aussi l’honneur d’être présents à une représentation, surplombant les eaux indigo et lisses comme un miroir. Un duo de guitare et saxophone en improvisation de nos amis venu du Yukon. Un moment de pure inspiration et surtout une grande respiration pour nos cœurs. Les filles dansent toute la soirée, la musique coulant dans leur corps, nourrit leur âme. Cet élan de vie, ce souffle de joie, nous le rendons aux artistes pour les remercier. Oui, nous avons besoin d’eux pour continuer de répandre leur joie dans le monde.
Nous roulons le long de la vallée d’Annapolis, entre les pistes cyclables en gravier au cœur de la forêt, par moment infesté de moustique, ou le long de petites routes. Nous sommes émus d’y rencontrer de grands arbres somptueux, déployés, surtout de gigantesques chênes. Ils ont été absents, maintenant nous les retrouvons avec émerveillement. Arbre sacré dans tant de traditions, il est ce lien cosmique, symbole de majesté et de force. Chez les Celtes, il est un temple pour les nymphes, elles aussi liées à l’élément eau.
Mais le temps se détériore, saisons des ouragans, nous recevons la queue d’une large tempête tropicale. C’est la troisième fois en trois semaines. Nous nous croirions en pleine mousson dans les tropiques. Il n’y a pas de répit, l’eau s’abat sur la terre. La première fois, nous avons été accueillis dans un temple bouddhiste, nous reliant à la voie des traditions de l’Orient, de la compassion et la paix intérieure. Nous nous sentons à la fois dans la Présence, à la fois dans un espace où le temps n’existe plus, où les sensations, les odeurs, les goûts reliés au bouddhisme dans ces diverses traditions et géographies nous reviennent comme tant de saveurs connues, comme tant de moment d’enseignement et d’unité. La seconde, nous étions accueillis par la générosité des Acadiens. Peuple incroyable, nous avons été séduits par leur philanthropie et bienveillance. Gilles nous offre un repas dans l’un des meilleurs restaurant de la province : La Cuisine Robicheau. Nous avons alors l’honneur de déguster la gastronomie acadienne avec ses homards, fruits de mer, filets de flétan, pétoncles de Digby, saumon fumé au sirop d’érable. Nous avons aussi eu droit au plat traditionnel comme la « rapure » à base de pommes de terre. Nous avons souhaité en faire l’expérience, mais bien sûr que cette pâte épaisse n’avait pas l’élégance des autres plats. C’était une cuisine de survie. D’un repas de fête, Nadine, la propriétaire nous invite pour quelques jours. Nous avons été accueillis avec autant de générosité que la finesse des plats que nous avons dégustés. Et nous avons ainsi échappé à la deuxième dépression météorologique. La troisième fois, nous étions sous tente. Cette fois, pas d’échappatoire. Nous montons les deux tentes afin de pouvoir faire à manger dans l’un d’entre elles. Nous devons creuser des rigoles, modifiés les trajectoires des petits torrents qui commencent à se matérialiser de toutes parts. Nayla et Fibie s’y mettent, elles finissent détrempées et recouvertes de boue, alors que la tente flotte sur l’eau qui s’engouffre au-dessous. Patience, il en faut pour passer deux jours sous tente...