
 
Mai, 2022
Temps de lecture: 13 minutes
Nous déposons à nouveau un pas en Europe
Arrivés à Frankfort, nous ressentons la terre, son histoire, cette mosaïque de cultures du continent. Tout nous est familier et à la fois étranger. Nous sommes accueillis par les « Abendbrot » et les « brotchen », des saveurs que nous redécouvrons et qui ravivent des souvenirs. Ce passé, tellement présent en Europe, nous le sentons vibrer au-delà des mots. Ne serait-ce que cette ligne de démarcation qui a séparé le peuple allemand, ne serait-ce que cette histoire que la terre et les mémoires n’ont pas encore libérée. L’énergie sous-jacente ne ferait tout de même pas oublier l’enjeu principal. Tout se referme, la société se scinde. Elle se partage douloureusement, en incompréhensions, en jugements, imposés avec force. Nous avons la sensation de marcher sur un fil qui pourrait se rompre à chaque instant. Nous avançons dans un inconnu qui nous semble si opaque, dans lequel aucune vision ne persiste hormis celle de l’instant présent. Et comme la terre est le miroir de ce que nous vivons, nous roulons dans un brouillard épais qui ne laisse rien discerner. Nous sommes face au guidon, passant la journée dans l’humidité froide à 2 °C. Pourtant la chaleur du peuple allemand nous offrira quelques nuits au chaud pour réchauffer nos corps gelés. Nous longeons le Rhin puis passons à Strasbourg. Une éclaircie permet de souligner le charme de l’Alsace, allié à un croissant français. Ces maisons typiques, ses petits ponts, son ambiance apportent l’allégresse de la découverte.
Arrivés aux portes de la Suisse, nous sommes accueillis avec enthousiasme par Thomas Weiss concepteur de FollowMe, ce système qui nous a permis depuis plus de 32’000 km d’emmener Nayla et Fibie sur les routes du monde. Nous sommes à la frontière avec la Suisse. Fibie n’y a encore jamais mis les pieds, et Nayla avait juste 2 ans la dernière fois que nous y sommes passés. C’est surtout la première fois depuis plus de 11 ans que nous rentrons avec nos vélos. C’est un peu comme si une boucle se fermait. Nous sommes revenus au point de départ, comme pour donner encore plus d’ampleur à cette vie que nous avons créé et les vastes espaces sauvages que nous avons exploré. Nous traversons le pont de Bâle. L’Aar puis la Broye nous guident alors jusqu’à Ropraz, là où nous avons osé faire ce premier pas, ce premier coup de pédale et ce gigantesque plongeon dans l’inconnu. Claire-Lise, la maman de Xavier n’est pas au courant de notre arrivée en Suisse. Quelle excitation pour les filles d’organiser cette surprise ! Une joie frénétique les agite, et pourtant Fibie est légèrement inquiète. Quel accueil va-t-elle recevoir en Suisse, elle qui ignore tout de ce pays et qui n’a rencontré que ces grands-parents ? Nous passons le pas de porte et c’est une effervescence d’émotions !
Livre photo
Finalement, nous le tenons dans nos mains, ce livre photo qui a mis deux années à naître. Cette vie de nomades dans laquelle nous nous autorisons à nous réinventer chaque jour permet de suivre nos élans de créativité. C’est ainsi que ce projet a pris forme. Une puissante synchronicité grâce à une maman ours et son petit, nous ouvre les portes du village autochtone de Haines Junction au Yukon. Cet instant sèmera la graine de ce livre photo, de tous ces instants de mystères qui nous guident le long du chemin, parfois même au-delà de nous.