Le long de notre trajet, nous portons un regard sur la vie, influencé par notre parcours, nos rencontres, notre subjectivité. Il représente notre Vérité. Une vérité qui ne se veut pas universel, qui ne se veut pas réalité mais simplement un témoignage de notre ressenti le long du chemin.
Magnifique Croatie… Nous sommes entrés par tes collines de forêts, dont certaines sont considérées comme des forêts primaires. Sur des kilomètres, c’est ton vert, ton vert tendre, ton vert profond qui nous aura accueillis. Si dense que nous ne voyons pas le prochain virage, nous prenons le temps d’observer chaque être, chaque arbre qui compose cette myriade de vert.
Les décors changent soudainement pour arriver dans des plaines qui nous projettent sur des collines désertiques. Nous apprendrons que les chantiers navals des Vénitiens ont créé ces paysages, suite à l’utilisation de milliers de mètres cu be de bois.
L’énergie est changeante, tantôt légère, tantôt lourde… Certains passages nous amènent légèreté et allégresse, d’autres nous font mal à la tête.
Puis nous y arrivons sur cette côte croate. L’eau est magnifique, grandiose, bleu-vert-turquoise, transparente. La couleur est somptueuse, l’eau d’une clarté magistrale. Nous sommes à la mer… Les couchers du soleil apportent une touche de rouge, qui enflamme le ciel à l’aurore. Ils méritent à chaque fois nos applaudissements tel le spectacle nous émeut. Sept cents kilomètres de côte, la route suit la rive ; elle poursuit son cheminement entre les collines désertiques, les montagnes de paroi abruptes en calcaire et la mer. Les petits villages de pêcheurs se dessinent au abord des criques. Nous aurons même l’occasion de manger une anguille et boire du vin de fabrication locale gracieusement offerte par un pêcheur qui nous a emmené avec lui sur son petit bateau pour son activité quotidienne.
Au fil de la route, l’odeur sucrée des figues nous surprend, pourtant elle sera l’emblème de la Croatie. Elle sera présente tout le long de notre parcours et chaque jour nous en dégustons… délicieusement douces, succulentes.
En poursuivant sur les Terres, nous nous trouvons nez à nez avec un petit pa neau « terrain miné », tout de suite nous réalisons après ces plages paradisiaques, l’ampleur de leur signification. Elle résonne en nous.
Quelques heures plus tard, arrivés à Grad Zadar, une paix nous envahi. C’est une cité médiévale, comme de nombreuses sur la côte. Ce sont des labyrinthes de petites ruelles dans des citadelles accessibles par des portes monumentales. Des voies sans issues, des escaliers, des pierres lissées par le passage de milliers de personnes au fil du temps. Dans les petites chapelles et cloîtres de la ville nous nous sentons bien, apaisés dans ces lieux de paix qui nous apportent un réel réconfort, un beau moment de quiétude. La somptuosité de Zadar, c’est aussi son orgue de mer. Un orgue construit sur les quais de la ville, qui grâce aux vibrations des vagues chantent toute la journée. Des sons harmonieux, comme si la mer apportait sa mélodie à la terre. La puissance du lieu est aussi magique, c’est un endroit où les personnes prennent le temps, …en pleine ville. Le temps de se poser, de se reconnecter à eux-mêmes, de s’inspirer en regardant au loin les vagues et en écoutant le chant… de la mer.
Dans les cités de la côte, le marbre blanc donne en plus une vraie grandeur à ces bijoux historiques, une sorte de beauté sereine. A Split, l’histoire se mêle à la vie de tous les jours, lorsque au fond d’une allée s’aligne en hauteur des étendages de draps, chemises et sous-vêtements, ordonnés du plus petit au plus grand. Paisible le matin, au réveil, ces villes prennent une autre allure le soir, lorsque fourmillent des milliers de personnes dans ses ruelles. Nous passons dans cette foule, anonymes et pourtant nous sentons à quels points nous sommes tous des êtres sociaux.
Dubrovnik sera pour nous le reflet de ce que nous ressentons et qui s’intensifie en descendant la côte. De la Splendeur, quelques part trop belle pour être une réalité. Une ville fortifiée qui pour nous représente ce que les croates donne comme image. Cette ville restaurée de marbre blanc est bondée de touristes croates et du monde entier. Les restaurants chiques s’alignent. Nourriture à profusion, shopping à profusion. Tout semble rayonnant, pourtant quelque chose sonne faux pour nous. C’est comme si le masque que portait Dubrovnik n’arrive pas à cacher sa tristesse, comme cette femme que nous croisons sur un escalier.
nfin le masque tombe. Cette somptuosité, cette grandeur s’effacent devant les impacts de balle sur quelques bâtiments. Puis au revers d’une rue, nous croisons un petit panneau mettant en mot, sur quelques lignes, le calvaire du 6 décembre 1992 où Dubrovnik a été bombardés. L’énergie est lourde, le masque est si imposant que les relations entre nous deviennent plus tendues. Nous voulons quitter cette ville, inexplicablement nous ne pouvons cependant pas quitter le pays, quelque chose nous y retient, comme si nous ne pouvions plus avancer.
Les quelques kilomètres de descente qui nous amèneront au Monténégro nous font soudain monter les larmes aux yeux, comme si un couvercle c’était levé, comme si la vie reprenait. Ce n’est qu’en croisant de jeunes écoliers s’amusant que nous réalisons que nous n’en avons croisé aucun en Croatie. Nous sentons une joie de vivre et une légèreté qui nous semblait absente.
C’était donc cela derrière leur bravoure et leur apparence stoïques, les croates portent le poids de ces dernières années, une grande tristesse, le masque de la force, celle qui leur a certainement permis de continuer. Nous leur souhaitons beaucoup d’amour pour éclairer leur cœur et de légèreté pour faire rayonner leur visage.